Devenir Membre
Retour vers le haut

3.4 Étiages sévères et débits réservés

Description de la problématique

Débits réservés

Le gouvernement du Québec a adopté, en 1999, une Politique des débits réservés écologiques pour la protection du poisson et de ses habitats. Les principes directeurs de cette politique sont les suivants :

1- Aucune perte nette d’habitats du poisson ou de productivité des milieux récepteurs;

2- Maintien de la libre circulation du poisson dans les cours d’eau;

3- Contribution à la protection de la biodiversité des écosystèmes aquatiques.

La Politique définit le débit réservé écologique comme étant « le débit minimum requis pour maintenir, à un niveau jugé acceptable, les habitats du poisson. Ce degré d’acceptabilité correspond à une quantité et à une qualité suffisantes d’habitats pouvant assurer le déroulement normal des activités biologiques des espèces de poisson qui accomplissent, en tout ou en partie, leur cycle vital dans le ou les tronçons perturbés. Ces activités peuvent être liées à la reproduction, à l’alimentation et à l’élevage. Quant à la libre circulation du poisson (déplacements et migrations), celle-ci doit être assurée par des modulations appropriées du débit réservé écologique ou par des aménagements particuliers aux sites infranchissables. » (Faune et Parcs Québec, 1999).

Plusieurs méthodes sont disponibles pour déterminer un débit réservé écologique. On les regroupe en trois grandes catégories soit les méthodes hydrologiques, les méthodes hydrauliques et les méthodes d’habitat préférentiel. Pour la rivière Saint-Charles, c’est une méthode d’habitat préférentiel qui a été retenue, soit la technique de modélisation des microhabitats ou l’Instream Flow Incremental Methodology, plus souvent désignée IFIM (Brodeur et al., 2009, Bourgeois et al., 1999 et Faune et Parcs Québec, 1999).

Étiages sévères

L’étiage est le niveau le plus bas d’un cours d’eau. On observe généralement des périodes d’étiage en été et en hiver. En certaines occasions, les étiages peuvent devenir sévères, entrainant de très faibles débits et parfois un assèchement du cours d’eau, avec toutes les conséquences écologiques qui en découlent. Les étiages sévères peuvent être causés par des sécheresses prolongées ou par un pompage excessif des eaux, les deux facteurs étant parfois combinés.

Distribution des problèmes sur le territoire

Bassin versant Localisation spécifique Description du problème Statut
Rivière Saint-Charles Rivière Saint-Charles Les valeurs des débits réservés sont jugées insuffisantes pour la faune et les autres usages en aval. Ils ne sont en outre pas toujours respectés. Existant
Cap Rouge Rivière du Cap Rouge Alternance de crues subites et d’étiages profonds. Existant

Bassin de la rivière Saint-Charles

Rivière Saint-Charles

Nature du problème
Figure 3.5.1: Barrage à la hauteur de la prise d’eau sur la rivière Saint-Charles © Simon Ethier

La prise d’eau de la rivière Saint-Charles alimente en eau brute l’usine de traitement de l’eau de Québec. Elle est alimentée à l’amont par la rivière Saint-Charles, ainsi que par les rivières Jaune et Nelson. Le lac Saint-Charles constitue la réserve en eau brute de la Ville de Québec depuis 1834. La rivière Saint-Charles alimente environ 250 000 personnes et la consommation journalière moyenne est de plus ou moins 160 000 m3 (Roche, 2010). Environ 20% du débit annuel moyen de la rivière Saint-Charles est utilisé pour l’approvisionnement en eau potable (Hébert, 1995). Toutefois, au cours des périodes d’étiage, concentrées autour des mois de février et de juillet, l’eau puisée dans la rivière représente parfois 98 % de son débit, ce qui est très en deçà du seuil de viabilité de toute rivière (Roche, 2010). L’hydrogramme suivant présente les données de débit pour la rivière Saint-Charles, pendant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Les données proviennent de la station hydrométrique du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs, située en aval de la prise d’eau municipale, à 0,8 km en amont de la rivière Lorette (Centre d’expertise hydrique du Québec, 2012). On constate que sur cette période de deux ans, les seuils minimums des débits réservés n’ont pas toujours été respectés. À noter que des données existent pour cette station depuis 1969.

Figure 3.5.2: Débits dans la rivière Saint-Charles en 2010-2011, à la station 050904 située à 0,8 km en amont de la rivière Lorette, et valeurs de référence comparées.
Causes

Une étude réalisée en 1997 par la firme Génivar, l’INRS-Eau et le Ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec (Belzile et al., 1997) a examiné les différentes méthodes de détermination des débits réservés et développé une méthode dite écohydrologique d’évaluation des débits réservés adéquats pour la protection des habitats du poisson (Roberge, 1999). Cette méthode hydrologique, mise au point pour les rivières du Québec, tient compte des facteurs écologiques, hydrologiques et géographiques qui sont associés aux cours d’eau du Québec. En outre, cette méthode prend en considération les espèces présentes dans les bassins versants du Québec ainsi que les stades critiques de leur cycle vital (Faune et parcs Québec, 1999).  Ce n’est toutefois pas cette méthode qui a été choisie pour la rivière Saint-Charles. On utilise plutôt une méthode d’habitat préférentiel, soit l’approche hydrobiologique IFIM (Instream Flow Incremental Methodology) (Brodeur et al, 2009). Cette méthode complexe modélise l’étendue des habitats physiques disponibles indispensables aux espèces cibles en fonction des débits (Bourgeois et al, 1998).

Le tableau suivant résume les spécificités des deux techniques, ainsi que leurs principaux inconvénients (Brodeur et al, 2009 ; Faune et Parcs Québec, 1999 ; Roberge, 1999).

Tableau 3.5.1: Méthodes et critères établis selon deux approches visant la détermination d’un débit écologique réservé pour la rivière Saint-Charles.

Méthodes et critères établis pour la rivière Saint-Charles
Moment critique Hydrobiologique IFIM (en vigueur) Écohydrologique
Étiage d’été 0,9 m3/s (0,6 m3/s étiage exceptionnel) Q50 août : 4,09 m3/s
Fraie des salmonidés (octobre) 1,3 m3/s Q50 sept. : 4,54 m3/s
Étiage d’hiver 0,6 m3/s (0,4 m3/s étiage exceptionnel) 0,25 QMA : 2,55 m3/s
Principaux inconvénients Assume comme étant représentatif de l’ensemble d’une rivière le tronçon nécessaire à sa modélisation. Méthode complexe difficilement vérifiable. Spécifique à une espèce donnée. Valeurs jugées insuffisantes pour la faune et les autres usages en aval. Génère des valeurs non compatibles avec les usages actuels (alimentation en eau potable).

Les évaluations réalisées pour la rivière Saint-Charles en se basant sur la méthode écohydrologique ciblent un débit de 2,5 m3/s comme étant un minimum acceptable à réserver en période hivernale, alors que des débits de l’ordre de 4 m3/s, seraient requis en période estivale et en période de fraie des salmonidés. Toutefois, l’application de ces débits réservés n’est pas compatible avec les usages actuels de l’eau, sachant que la Ville de Québec prélève en environ 2 m3/s de façon continue dans la rivière Saint-Charles (Roberge, 1999). Pour modifier à la hausse les débits réservés, il faudrait combiner une meilleure détection des fuites dans le réseau, une réduction de la consommation d’eau potable pour tous les utilisateurs, ainsi que l’utilisation d’autres sources d’eau potable. L’utilisation du fleuve Saint-Laurent pour limiter la pression sur la rivière et le lac Saint-Charles apparaît comme une option intéressante.

Effets

En période d’étiage, l’eau puisée dans la rivière Saint-Charles à des fins de consommation en eau potable peut aller jusqu’à 98% de son débit (Roche, 2010). Lajeunesse et al. résume bien les impacts écologiques de la perte de débit dans la rivière Saint-Charles : cette ponction très importante « entraîne des dommages considérables au fonctionnement minimal de la rivière et de son lit majeur. Pour la rivière elle-même, elle interdit tout espoir, tant que durera la situation, d’entretenir une vie aquatique normale entre la prise d’eau et l’embouchure. La diminution du débit, combinée aux effluents pluviaux qui s’y déversent et aux chaudes températures des mois d’étiage estival augmentent le taux de pollution de la rivière, rendant la vie aquatique hasardeuse. » (Lajeunesse et al., 1997).

De façon spécifique, on répertorie cinq grands impacts des prélèvements d’eau sur la rivière Saint-Charles (Roberge, 1999):

  • Réduction de la quantité et fragmentation des habitats pour la faune aquatique, compromettant la mobilité des individus et leur survie ;
  • Réduction de la qualité des substrats, causée par l’ensablement ou l’envasement découlant de la plus faible vitesse d’écoulement de l’eau ;
  • Réduction de la qualité de l’eau en diminuant la capacité de dilution de la rivière ;
  • Dommages esthétiques, notamment en ce qui concerne la chute Kabir Kouba qui se voit parfois réduite à un filet d’eau ;
  • Perte d’usages récréatifs (canot, kayak, pêche) en raison des faibles débits et de la diminution de la qualité de l’eau.

Bassin de la rivière du Cap Rouge

Rivière du Cap Rouge

Nature du problème

De 1974 à 1979, une station hydrométrique, localisée à 2,6 km de l’embouchure, a enregistré le débit de la rivière du Cap Rouge. Le débit maximum observé au cours de cette période a atteint 30,3 m3/s alors que les moyennes des débits quotidiens mesurés lors des périodes d’étiage et de crue printanière étaient respectivement de 0,13 et 22,7 m3/s. Les débits alors enregistrés démontraient une alternance de crues subites et d’étiages profonds au cours de l’été et de l’automne (Centre d’expertise hydrique du Québec, 2012 et Trépanier, 2011).

Causes

L’alternance de crues subites et d’étiages profonds est un bon indicateur que les précipitations ont un effet très rapide sur le débit de la rivière du Cap Rouge. La faible superficie du bassin versant, l’imperméabilisation des sols, le faible pourcentage de recouvrement par la végétation sur les bandes riveraines, de même que l’absence de lacs ou le manque de milieux humides, qui constituent des éléments régulateurs significatifs, sont mis en cause dans ce phénomène (Écogénie, 2002 et Trépanier, 2011).

Effets

En plus des pertes d’usages associés à l’eau, les étiages sévères peuvent notamment entraîner des conséquences sur la faune et la flore aquatique, en asséchant leur habitat. Aucune étude spécifique n’a toutefois été réalisée pour documenter le phénomène et ses effets dans la rivière du Cap Rouge. Des données hydrométriques plus récentes seraient nécessaires pour obtenir un portrait plus actuel de la situation.

Sources

BELZILE, L., P. BÉRUBÉ, V.D. HOANG, et M. LECLERC. 1997. Méthode écohydrologique de détermination des débits réservés pour la protection des habitats du poisson dans les rivières du Québec. Rapport présenté par l’INRS-Eau et le Groupe-Conseil Génivar inc. au ministère de l’Environnement et de la Faune et à Pêches et Océans Canada. 83 p. + 8 annexes.

BOURGEOIS, G., J. THERRIEN, J.-F.MERCIER, E. MCNEIL ET A. BOUDREAULT. 1998. Étude d’optimisation de la gestion de l’eau de la rivière Saint-Charles, rapport réalisé par le groupe-conseil Génivar inc. pour la Ville de Québec, 106 p. + annexes.

BRODEUR, C., F. LEWIS, E. HUET-ALEGRE, Y. KSOURI, M.-C. LECLERC ET D. VIENS. 2007. Portrait du bassin de la rivière Saint-Charles. Conseil de bassin de la rivière Saint-Charles. 216 p + 9 annexes 217-340 p

CENTRE D’EXPERTISE HYDRIQUE DU QUÉBEC. 2012. Historique des données de différentes stations hydrométriques. En ligne: http://www.cehq.gouv.qc.ca/hydrometrie/historique_donnees/index.asp. Consulté le 10 décembre 2012.

ÉCOGÉNIE. 2002. Étude sur l’érosion des rives des rivières Lorette et du Cap Rouge. Rapport final, Ville de Sainte-Foy. 27 pages + annexes

FAUNE ET PARCS QUÉBEC. 1999. Politique de débits réservés écologiques pour la protection du poisson et de ses habitats. Direction de la faune et des habitats. 23 p.

HÉBERT, S., 1995. Qualité des eaux du bassin de la rivière Saint-Charles, 1979-1995. Direction des écosystèmes aquatiques, ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec, 41 p. + 15 annexes.

LAJEUNESSE, D., J. BISSONNETTE, V. GERARDIN ET J. LABRECQUE. 1997. Caractérisation du lit majeur de la rivière Saint-Charles, Québec. Ministère de l’Environnement et de la Faune du Québec, Environnement Canada, 151 p. + annexe cartographique.

ROBERGE, J., 1999. Restauration des débits d’étiage de la rivière Saint-Charles, Objectifs et incidences sur l’approvisionnement en eau municipal, document public produit par Rivière Vivante à l’occasion de la consultation sur le projet de politique de l’environnement de la Ville de Québec, 13 p.

ROCHE Ltée. 2010. État de la situation du bassin versant de la prise d’eau de la rivière St-Charles – Rapport final. Roche, pour la Communauté métropolitaine de Québec, 2010. 221 Pages + annexes.

TRÉPANIER, J., 2011. Diagnostic du bassin versant de la rivière du Cap Rouge. Organisme des bassins versants de la Capitale, Québec. 115 pages

 Mis à jour le 16 février 2015

crossmenu