L’eau n’est pas seulement une ressource. En raison de son rôle fondamental pour la société, elle a une dimension culturelle et patrimoniale très importante. Selon la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, outre les arts et les lettres, la culture englobe les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. Ainsi, depuis toujours, l’eau est intimement liée à l’identité culturelle des populations. La façon d’utiliser et de valoriser la ressource change à travers les régions et les siècles, mais l’eau a toujours joué un rôle central dans l’histoire de l’humanité.
Lorsqu’on parle de patrimoine, on réfère à l’idée d’un héritage légué par les générations précédentes, et qui doit normalement être transmis intact ou augmenté aux générations futures. Au Québec, l’eau a été déclarée comme patrimoine commun de la nation québécoise par la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection adoptée en 2009.
Sur le territoire des bassins versants de la Capitale, l’eau a tenu un rôle central dans la colonisation du territoire, depuis l’arrivée des premiers Amérindiens jusqu’à l’ère moderne. Toutefois, au fil des ans et avec l’évolution de l’urbanisation, certains liens culturels ou patrimoniaux ont été perdus, notamment sur la rivière Saint-Charles et en bordure du Fleuve.
Bassin versant | Localisation spécifique | Description du problème | Statut |
---|---|---|---|
Saint-Charles | Basse rivière Saint-Charles | La renaturalisation des rives et l’aménagement du parc linéaire a recréé un lien entre la population et la rivière. | Réglé |
Bordure du Fleuve | Fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Sillery | La construction du boulevard Champlain a créé un rivage artificiel et inhospitalier qui a coupé l’accès au fleuve. | Réglé en partie |
Fleuve Saint-Laurent à la hauteur du quartier Montmorency | La construction l’autoroute Dufferin-Montmorency a créé un rivage artificiel et inhospitalier qui a coupé l’accès au fleuve. | Existant |
Au milieu du XXe siècle, la qualité de l’eau de la rivière Saint-Charles était médiocre, les rives contaminées et recouvertes de détritus. Pour régler le problème des rives, des murs de soutènement ont été aménagés de chaque côté de la rivière, sur quatre kilomètres de longueur. Toutefois, les résultats ne furent pas à la hauteur des attentes. L’écotone entre le milieu terrestre et le milieu humide a complètement disparu, la qualité de l’eau de cette partie de la rivière est demeurée très douteuse et la population ne s’est pas réapproprié le cours d’eau. En 1996, la Ville de Québec a mis sur pied la Commission pour la mise en valeur du projet de dépollution et de renaturalisation de la rivière Saint-Charles. De ces travaux ont découlé la démolition de bon nombre de murs et la renaturalisation des rives de la rivière, qui s’est terminée en 2008.
La période industrielle a laissé bon nombre de problèmes pour la rivière Saint-Charles et les terrains qui la bordent. Les rives ayant été utilisées comme dépotoir à ciel ouvert pendant de nombreuses années, il en résultait un problème important de santé publique. Dans les années 60, à l’ère du béton, la construction de murs de soutènement apparaissait comme une solution adéquate pour régler le problème de salubrité. Lors de l’annonce de cet aménagement, Gilles Lamontagne, maire de Québec, déclarait le 21 novembre 1966: « Dans dix ans d’ici… la rivière Saint-Charles aura été assainie, canalisée et [il y] coulera des eaux limpides sous des voûtes de feuillage. Les citadins se prélasseront dans les nombreux parcs et les promenades longeant la rive. » (Bouchard 1966). Toutefois, malgré tous les efforts, les citoyens ne se sont jamais réellement approprié le cours d’eau et les aménagements (pistes cyclables, promenades) ne furent que peu utilisés (Dumont, 1998). Les rives bétonnées offraient un environnement inhospitalier et certains endroits présentaient des problèmes de sécurité publique (manque d’éclairage et de percées visuelles).
Le projet de renaturalisation a été terminé en 2008 et les 8 km de berges ont maintenant retrouvé un aspect naturel. Au-delà des rives de la basse Saint-Charles, un parc linéaire a également été aménagé. Il offre aux adeptes de plein air un sentier pédestre de 32 kilomètres qui longe la rivière en partant du fleuve Saint-Laurent jusqu’au lac Saint-Charles. Des bassins de rétention ont également été construits pour contenir les fréquents débordements d’égouts dans la rivière. La rivière a retrouvé un aspect plus naturel, la qualité des écosystèmes aquatiques s’est grandement améliorée et la population s’est réapproprié les rives du cours d’eau.
Au début du 20e siècle, on a creusé le lit du fleuve pour accueillir des navires à fort tirant d’eau. Le dragage a entraîné le dépôt de milliers de tonnes de sable fin et amené la création d’une plage qui a attiré de nombreux baigneurs à l’anse au Foulon, à partir de 1927 (Dion-McKinnon, 1987). En 1952, la Ville de Sillery en prend l’entière responsabilité et l’aménage totalement. L’achalandage de la plage croît jusqu’au milieu des années soixante, puis diminue pour finalement cesser (Hébert et Simard, 2000).
Au début des années 1960, l’augmentation de la circulation automobile entre les deux rives du fleuve amène les autorités à lancer la construction du boulevard Champlain dont les travaux s’étendront de 1960 à 1970. Ces derniers sonneront définitivement le glas de la villégiature en bordure du fleuve à Sillery, à l’exception des activités nautiques du Yacht-Club de Québec.
Le boulevard Champlain a constitué une transformation majeure de la berge du Saint-Laurent. Une large bande du littoral a été remblayée, créant un rivage artificiel et inhospitalier qui a coupé l’accès au fleuve. Pour souligner le 400e anniversaire de la ville de Québec, la Commission de la Capitale nationale du Québec a œuvré à redonner le fleuve aux Québécois en réalisant la promenade Samuel-De-Champlain. Longeant le fleuve sur 2,5 km et couvrant une superficie totale de 200 000 m², la Promenade permet la pratique de nombreuses activités: vélo, patin à roues alignées, soccer, marche, kayak, pique-nique, circuit d’interprétation, art public.
Suite au succès de la phase 1, la Commission de la Capitale nationale souhaite aller de l’avant et poursuivre le réaménagement des berges du Fleuve sur une plus large portion du littoral. Dans la phase 2, le sentier des Grèves, d’une longueur de 3,1 km, créera un lien piétonnier qui reliera le quai des Cageux à la Plage Jacques-Cartier. Un premier tronçon a d’ailleurs été inauguré en juin 2012. Lors d’une troisième phase, on prévoit l’aménagement de la station du Foulon qui comprendra des installations rappelant l’ancienne plage de l’anse au Foulon.
Autrefois, dans le quartier de Montmorency, le boulevard Sainte-Anne permettait un accès au fleuve. Ce lien avec le fleuve est aujourd’hui perdu.
La construction de l’autoroute Dufferin-Montmorency entraîna la destruction des battures de Beauport et une perte d’accès au fleuve. Malgré de nombreux opposants, le gouvernement du Québec a choisi d’aller de l’avant pour des motifs économiques, justifiant la nécessité d’un accès plus direct au centre-ville pour les banlieues (Gagné, 2006).
Si le projet a été réalisé dans une perspective de bénéfices économiques, l’autoroute est aujourd’hui sous-utilisée et a engendré des pertes à l’économie locale dans les quartiers riverains, qui avaient historiquement un lien important avec le fleuve. Plusieurs activités économiques et récréatives, telles que la pêche à l’anguille et la chasse aux oiseaux migrateurs, ainsi que la navigation de plaisance, étaient courantes pour ce milieu (Fortin et al., 1989). Le boulevard Sainte-Anne vivait en outre d’un achalandage de l’extérieur puisqu’il était le lien routier principal entre la ville de Québec et la côte de Beaupré (Gagné, 2006).
La phase 4 de la Promenade Samuel-de-Champlain prévoit l’aménagement d’un tronçon de sept kilomètres reliant le secteur d’Estimauville à la chute Montmorency, en passant par le réaménagement des approches du pont de l’Île d’Orléans. L’objectif poursuivi est de redonner le fleuve aux citoyens et de redynamiser un secteur à fort potentiel de développement délaissé au cours des dernières décennies (Roberge, 2011).
BEAULIEU, M., 2000. La rivière Saint-Charles : dégradation et renaissance. La Société Provancher d’Histoire naturelle du Canada. Le Naturaliste Canadien, vol 124, no. 1. p. 44-52.
BOUCHARD, L. Accord historique sur la Saint-Charles. Le Soleil, le 19 novembre 1966.
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Mis à jour le 16 février 2015